Bed-in

Sous la couette, dans ce grand lit rendu public, vous ne reconnaîtrez pas John Lennon et Yoko Ono, mais Filippo Filliger et Dorothée Thébert. Quarante ans après la performance des années 1960, le couple genevois rejoue Bed-In. Comme le couple mythique, ils revendiquent la paix en pyjama et resteront trois jours en vitrine jusqu’au lundi soir en assénant : « le lundi, reste au lit ! ». Soit, restons au lit plutôt que d’aller travailler, de courir, mais surtout de se diviser sur les chantiers de la guerre. Un message utopique ? Pacifique du moins. Le Bed-In des années 1960 voulait proposer une autre vision du monde par rapport à la guerre du Vietnam et s’était conclu par l’enregistrement de la chanson Give Peace a Chance. 40 ans plus tard, que penserait John Lennon de l’échos porté par leur message alors que les États-Unis sont encore en guerre ? Filippo et Dorothée recevront-ils aussi comme les stars de l’époque des centaines de journalistes pour exprimer leur opinion sur la situation du monde actuel? Leur intervention, au carrefour de la vie quotidienne, du questionnement politique, historique et artistique est une forme de réactualisation de l’événement qui s’était alors tenu à Montréal en 1969. Conscients de l’aspect éphémère de leur action, ils ont choisi de redoubler son caractère conceptuel en existant parallèlement à l’événement sur Second Life, outil contemporain de communication du village global. Bed-In existera donc également à l’écran avec leurs avatars dès samedi soir pour une grande fête qui, fatalement, se prolongera sous les airs d’une très longue grasse matinée. Tant dans la vraie vie que dans l’espace virtuel de l’informatique – projeté en continu dans le café –, vous êtes invités à participer à une grève générale le lundi, en restant dans les plumes…

Ne vous méprenez pas, l’intervention de Filippo et Dorothée est sérieuse, bien que teintée d’humour. Une manière démocratique de déclencher des réflexions au sein d’un lieu public et convivial et de prendre le temps d’envisager les choses autrement en s’interrogeant sur le sens de la vie et de ses gestes quotidiens. Le Cabinet prête son espace physique et Fabianna de Barros – activiste culturelle genevoise – offre le pan virtuel sur Second Life pour que cette métaphore issue du mouvement hippie s’inscrive aujourd’hui dans la programmation du Festival Mapping.

Karine Tissot