Viennoiseries – Intentions

Viennoiseries prend comme point de départ Mademoiselle Else d’Arthur Schnitzler, écrit en 1924. Cette nouvelle relate l’histoire d’une jeune femme de bonne famille qui, pour sauver son père de la faillite, est confrontée à la demande d’un marchand d’art fortuné, qui souhaite la contempler nue en contrepartie de son aide financière.

Le texte réalise le portrait d’une jeune femme poussée à devoir décider des conditions de sa mise à nu. En choisissant de se dévoiler aux yeux de tous les résidents de l’hôtel dans lequel elle séjourne, elle n’obéit plus en femme soumise à une demande humiliante, mais reprend du pouvoir, assume son choix et passe d’un problème individuel à un acte public et politique. Schnitzler, en contemporain de Freud, compose ce récit grâce à la technique du monologue intérieur avec le souci de pénétrer au cœur de la pensée, à l’endroit et au moment même où elle se construit.

 

Pour la pièce, je suis donc partie à la recherche de ce lieu fragile où la pensée s’élabore, en introduisant l’hypnose dans le processus de travail, non pas pour ses vertus thérapeutiques mais pour ses possibilités de création d’images poétiques spontanées. Ce travail s’est mené en collaboration avec Virna Signorelli, une thérapeute qui emploie l’hypnose dans le cadre de sa profession mais qui s’intéresse particulièrement aux diverses possibilités de l’hypnose dans  le domaine de la création.

 

Au fil du travail, j’ai compris que, plus largement, l’hypnose est un outil formidable pour questionner le théâtre. J’ai trouvé à travers elle un medium fascinant pour expérimenter les relations entre fiction et réalité, les tiraillements entre instant présent et répétition. Sous hypnose, la fiction opère pour l’hypnotisé comme si elle était réelle. L’hypnose permet de donner un corps aux images poétiques, de donner une physicalité à l’imagination, tout en permettant une effusion d’images spontanées et imprévisibles. Une écriture au présent.

 

La mise en scène prend donc le parti de développer un travail d’enquête sur la question de l’adaptation de ce texte à la scène, aujourd’hui, en employant l’hypnose comme outil et métaphore du théâtre. Ce point de vue pose également la question du personnage. Comment aborder un personnage issu d’une fiction mais dont le procédé littéraire qui le décrit (le monologue intérieur) fait tout pour diminuer la relation du lecteur à la fiction et appelle un degré de réalisme, qui tend fortement à l’identification. Il y a donc la volonté de travailler sur les échos que produisent les frottement entre un personnage de fiction et le réel d’une comédienne.

 

Sur scène, la comédienne Lola Riccaboni traverse, sensible et changeante, les différents états du personnage en révélant ses doutes, ses humeurs et ses sentiments. Avec Dorothée et Virna, elles dressent un portrait kaléidoscopique d’une Else d’aujourd’hui, à partir des échos de la langue de Schnitzler, du langage quotidien actuel et des récits contemporains, récoltés sous hypnose.